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Paul Gayet -Tancrède , dit Samivel
Écrivain, cinéaste et dessinateur français (Paris, 1907 - Grenoble, 1992). Grand prix international du film de montagne et 1er prix international du film d'exploration, il participa en 1948 à la première expédition française au Groenland. Parmi ses nombreux ouvrages: Sous l'oil des choucas (1937), l'Amateur d'abîmes (1967), la Nature comme spectacle (1976). Auteur d'aquarelles de paysages de montagne et de neige, il a également illustré des classiques dont Goupil, tiré du Roman de Renart. En 1991, il publia une édition illustrée de Tartarin sur les Alpes de Daudet. |
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Paul Gayet, connu sous le nom de Samivel, écrivain et dessinateur, est mort, mardi 18 février, d'un malaise cardiaque, à son domicile de Grenoble. Il était âgé de quatre-vingt-quatre ans. Un petit personnage qui regarde une haute montagne, nue, d'un graphisme très pur... Un chamois au sommet d'une aiguille que jamais l'homme n'est venu souiller : c'était la face la plus connue de Samivel, dessinateur des pics et des sommets, chantre de la montagne vierge, de la nature inviolée, protecteur des sites _ il milita activement pour la fondation du parc national de la Vanoise dont il réalisa l'affiche symbole, _ pourfendeur des pollueurs de tous ordres, y compris des skieurs qui se font déposer en altitude par des hélicoptères. On ne saurait pourtant garder cette seule image d'un homme qui a traversé le siècle avec humour et conviction. Paul Gayet était né à Paris le 11 juillet 1907, dans le seizième arrondissement. Son père était officier. Mais dès le lycée, c'est à Chambéry que l'on retrouve celui qui ira chercher son pseudonyme chez Dickens (plus précisément chez Sam Weller, le héros des Aventures de Mr Pickwick) et qui ne cessera plus d'aimer et de célébrer la montagne et les glaces, accompagnant notamment Paul-Emile Victor dans la première expédition française au Groenland en 1948 et réalisant plusieurs films documentaires sur ses expéditions. Explorateur et humoriste Explorateur et humoriste : voilà deux mots qui vont
rarement ensemble et que Samivel a fait cohabiter sa vie
durant. Son premier livre, graphique et humoristique, Sous
l'oeil des choucas, a paru en 1937. Mais, dès 1931 il s était
fait remarquer par des dessins humoristiques à l'encre de
Chine, dans la même veine que les dessins et aquarelles qu'il
peuplera de petits personnages à l'instinct grégaire et aux
attitudes ridicules, comme ces " chenilles processionnaires "
faites de skieurs. " La neige symbolise très efficacement la
pureté, le rocher la dureté " écrivait Michel Tournier en
rendant hommage à Samivel dans le Monde en 1985 (1). " Si la
montagne n'est pas l'enfer que croyaient ceux qui n'avaient
pas lu Rousseau, ce n'est pas pour autant le paradis. Ou
alors, c'est un paradis sans tendresse, sans douceur. Samivel
illustre ces thèmes avec une verve féroce. Le repoussoir de ce
paysage pur et dur, c'est évidemment la chienlit touristique
avec ses pistes damées, ses remontées mécaniques et ses boîtes
de conserve. Perdu dans la grandiose splendeur alpine, que
l'homme est petit, laid, stupide et sale ! "
S'il avait la dent dure, Samivel préférait cependant l'ironie à l'invective et à la détestation. Il aimait à se définir lui-même comme " un oeil émerveillé " (titre de l'un de ses livres paru en 1976) et avait parcouru, à la recherche de " moments uniques et de sensations bouleversantes, peut-être du paradis perdu que pourrait symboliser la montagne ", l'Islande, la Grèce, l'Egypte. Il se voulait aussi " fabuliste ". Il avait écrit des récits, des nouvelles, que Giono et Desnos avaient aimés, et même un gros roman de cinq cents pages le Fou d'Edenberg (Albin Michel 1967), dont on avait parlé pour le Goncourt. " Par sa composition épique et par ses digressions lyriques, il s'élève parfois à cette espèce de vérité qu'est la poésie ", commentait Pierre-Henri Simon dans son feuilleton du Monde. De la poésie, Samivel en avait aussi écrite. Ses textes ne font pas de lui un poète mais témoignent de son humour, de son sens du " croquis ", en mots comme au trait. En 1991 a paru la Dame du puits _ soixante fables modernes pour lecteurs définitivement adultes , un recueil illustré de quelques dessins, reprenant des textes introuvables et y adjoignant de nouvelles pièces. On pourrait quitter cet homme sur l'image du " paquebot " qui " cassa sa pipe en poupe ", premier vers d'un poème drolatique de ce dernier recueil. Mais il ne faut pas oublier d'aller le retrouver ou le découvrir dans ses albums, des plus insolites aux plus classiques, comme ses illustrations de Goupil et des Malheurs d'Ysengrin, tirés du Roman de Renart, de Bon voyage Monsieur Dumollet, et, tout récemment, de Tartarin sur les Alpes, d'Alphonse Daudet. Ils ont dit de lui: Paul-Emile VICTOR, Explorateur, Ethnologue : Samivel, un merveilleux aquarelliste et poète. Je crois essentiellement un Poète. Docteur Alain BOMBARD, Ancien Ministre : Je crois qu'il a été un vrai philosophe des cimes. Quelle admirable connaissance a-t-il acquise de l'Egypte... et tant de sciences de spécialiste, mais aussi de vulgarisation. Par ses films-conférences, il sut la mettre avec beaucoup de poésie à la portée du grand public. Maurice BAQUET, Musicien, Montagnard : Discret, solitaire, ce '' nonchalant '' est toujours prêt à s'enflammer pour les bonnes causes. Il a traversé son époque avec élégance, de son oeil et de son crayon pointus. Laissant derrière lui, pour notre bonheur, les traces inimitables de ses blancs et noirs '' desseins ''. Michel TOURNIER, Ecrivain : Nul mieux que Samivel ne rend l'épaisseur ouatée de la neige accumulée sur les branches de sapins, le fond bleuté d'un horizon alpin, la menace plombée d'un ciel d'orage, la buée mauve qui monte d'un torrent. Il émane de ses paysages une paix si profonde qu'on aimerait vivre jour et nuit dans leur rayonnement. José GIOVANNI, Cinéaste, Ecrivain : Samivel ? bien sûr... grand alpiniste, écrivain, peintre, humoriste. Un homme qui a laissé je dirais une grande trace artistique, multiforme, dans l'univers de la montagne. Jean MALAURIE, Directeur de recherche émérite CNRS, Directeur du Centre d'Etudes Arctiques EHESS : Sa vraie originalité : c'est un homme qui cherchait, un chercheur, et qui s'est réalisé dans ses films et ses livres comme sur l'Egypte ou sur les grandes civilisations. C'est un méditatif, un spiritualiste. Michelle TOURNEUR, Ecrivain : Pour moi, Samivel est vraiment le symbole de l'Ecrivain avec un grand E, c'est un médium, c'est quelqu'un qui traverse le monde comme une sorte de météore et qui livre aux êtres des choses qui passent en lui et qui doivent parvenir à tout à chacun. |
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